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Le Rat qui s’est retiré du monde

 Les Levantins en leur légende
Disent qu’un certain Rat, las des soins d’ici-bas,

 Dans un fromage de Hollande
 Se retira loin du tracas.
 La solitude était profonde,
 S’étendant partout à la ronde.
Notre ermite nouveau subsistait là-dedans.
 Il fit tant, de pieds et de dents,
Qu’en peu de jours il eut au fond de l’ermitage
Le vivre et le couvert : que faut-il davantage ?
Il devint gros et gras : Dieu prodigue ses biens
 À ceux qui font vœu d’être siens.
 Un jour, au dévot personnage
 Des députés du peuple rat
S’en vinrent demander quelque aumône légère :
 Ils allaient en terre étrangère
Chercher quelque secours contre le peuple chat ;
 Ratopolis était bloquée :
On les avait contraints de partir sans argent, 

 Attendu l’état indigent
 De la république attaquée.
Ils demandaient fort peu, certains que le secours
 Serait prêt dans quatre ou cinq jours.
 « Mes amis, dit le solitaire,
Les choses d’ici-bas ne me regardent plus :
 En quoi peut un pauvre reclus
 Vous assister ? que peut-il faire,
Que de prier le Ciel qu’il vous aide en ceci ?
J’espère qu’il aura de vous quelque souci. »
Ayant parlé de cette sorte,
Le nouveau saint ferma sa porte.
Qui désigné-je, à votre avis,
Par ce rat si peu secourable ?
Un moine ? Non, mais un dervis :
Je suppose qu’un moine est toujours charitable.