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Conseil tenu par les Rats

 Un Chat, nommé Rodilardus,
 Faisait de rats telle déconfiture

 Que l’on n’en voyait presque plus,
Tant il en avait mis dedans la sépulture.
Le peu qu’il en restait n’osant quitter son trou,
Ne trouvait à manger que le quart de son soûl ;
Et Rodilard passait, chez la gent misérable,
 Non pour un chat, mais pour un diable.
 Or, un jour qu’au haut et au loin
 Le galant alla chercher sa femme,
Pendant tout le sabbat qu’il fit avec sa dame,
Le demeurant des rats tint chapitre en un coin
 Sur la nécessité présente.
Dès l’abord, leur doyen, personne fort prudente,
Opina qu’il fallait, et plus tôt que plus tard,
Attacher un grelot au cou de Rodilard ;
 Qu’ainsi, quand il irait en guerre,
De sa marche avertis, ils s’enfuiraient en terre ;
 Qu’ils n’y savaient que ce moyen. 
L’un dit : « Je n’y vais point, je ne suis pas si sot » ;
Chacun fut de l’avis de monsieur le Doyen :
Chose ne leur parut à tous plus salutaire.
La difficulté fut d’attacher le grelot.
L’autre : « Je ne saurais. » Si bien que sans rien faire
 On se quitta. J’ai maints chapitres vus,
 Qui pour néant se sont ainsi tenus ;
Chapitres, non de rats, mais chapitres de moines,
 Voire chapitres de chanoines.
 Ne faut-il que délibérer,
 La cour en conseillers foisonne :
 Est-il besoin d’exécuter,
 L’on ne rencontre plus personne.