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L’Amour et la Folie

 Tout est mystère dans l’Amour,
Ses flèches, son carquois, son flambeau, son enfance :

 Ce n’est pas l’ouvrage d’un jour
 Que d’épuiser cette science.
Je ne prétends donc point tout expliquer ici :
Mon but est seulement de dire, à ma manière,
 Comment l’aveugle que voici
(C’est un Dieu), comment, dis-je, il perdit la lumière :
Quelle suite eut ce mal, qui peut-être est un bien ;
J’en fais juge un amant, et ne décide rien.
La Folie et l’Amour jouaient un jour ensemble :
Celui-ci n’était pas encore privé des yeux.
Une dispute vint : l’Amour veut qu’on assemble
 Là-dessus le conseil des Dieux ;
 L’autre n’eut pas la patience ;
 Elle lui donne un coup si furieux,
 Qu’il en perd la clarté des cieux.
 Vénus en demande vengeance. 

Femme et mère, il suffit pour juger de ses cris :
 Les Dieux en furent étourdis,
 Et Jupiter, et Némésis,
Et les Juges d’Enfer ; enfin toute la bande.
Elle représenta l’énormité du cas ;
Son fils, sans un bâton, ne pouvait faire un pas :
Nulle peine n’était pour ce crime assez grande :
Le dommage devait être aussi réparé.
 Quand on eut bien considéré
L’intérêt du public, celui de la patrie,
Le résultat enfin de la suprême cour
 Fut de condamner la Folie
 À servir de guide à l’Amour.