Fable d'Esope : Du Chat et des Rats.
Un Chat, la terreur des Rats, en avait presque détruit l'engeance.
Il eut bien voulu croquer le peu qui en restait ; mais le malheur des premiers avait rendu les derniers plus sages.
Ceux-ci se tenaient si bien sur leurs gardes qu'il n'était pas aisé de les avoir.
- Je les aurai pourtant, dit le Chat, et bon gré mal gré qu'ils en aient.
Cela dit, il s'enfarine et se blottit au fond d'une huche. Un Rat qui l'aperçut le prit pour quelque pièce de chair, et s'en approcha ; le Chat se retourne aussitôt sur ses deux pattes, et lui fait sentir sa griffe.
Un second vint après, puis un troisième, qui fut suivi de plusieurs autres, et de ceux-ci pas un ne s'en retourna.
Cependant un dernier, vieux et ratatiné mit la tête hors de son trou, et d'abord regarda de tous côtés ; puis de là, sans vouloir s'avancer plus loin, se mit à contempler le bloc enfariné ; enfin secouant la tête,
- À d'autres, mon ami s'écria-t-il ; il ne te sert de rien à mon égard de t'être ainsi blanchi ; quand tu serais farine, sac, huche, ou tout ce qu'il te plaira, je n'en approcherais pas en mille ans une fois.