Le Jeu des petites gens en 64 contes sots par Louis Delattre : Les hannetons
Vous souvenez-vous de l’année aux hannetons où tous les arbres, chênes, hêtres, saules, trembles, houx, charmes, bouleaux, peupliers, ormes, cerisiers, marronniers, frênes, érables, coudriers, sorbiers, tilleuls, ifs, églantiers, sureaux, néfliers, pommiers, groseilliers, fusains, abricotiers, cornouilliers, rosiers, poiriers et pruniers, en étaient chargés à plier ?
A la ferme de la Mésangère, il y avait, devant la cour, un chêne de trente-deux mètres de tour.
Or, il fut si couvert de cette vermine qu’il en rompit par le milieu, éclatant en deux avec un bruit qui s’entendit à plus de trois lieues loin.
Les branches à terre, deux gros chiens de charrette du fermier qui s’étaient approchés, se mirent à manger à même des hannetons, mais à en manger si avidement, si goulûment, si abondamment que leur ventre gonflé touchait terre et qu’ils se couchèrent sur place, et, sans tourner, s’endormirent.
Le lendemain matin, ils ronflaient encore quand le soleil déjà chaud vint leur donner sur la panse et la chauffer si bien que les hannetons qu’ils avaient avalés tout ronds se levèrent, et se mirent à bourdonner ainsi qu’ils font quand ils comptent leurs écus avant de se mettre en voyage.
Tout à coup, tous en masse prirent leur vol, emportant si haut et si loin nos deux mâtins que le fermier ne les revit jamais plus.
Il fut dit cependant par la suite, que les hannetons, las de voler, les avaient laissé, de plus de cent mètres haut, retomber dans le bois de Fleurus. C’est là, s’il faut en croire ceux qui le racontent, qu’ils firent leur dernière crotte.
Mauvaise médecine, vers la mort achemine.