Le Jeu des petites gens en 64 contes sots par Louis Delattre : Les dés
On raconte encore au village qu’un jour, deux hommes lièrent connaissance dans un cabaret, dînèrent ensemble, mangèrent bien, burent mieux et se mirent à jouer aux dés.
Le jeu durait depuis longtemps, et ils ne gagnaient ni l’un ni l’autre, quand l’un des joueurs, s’estimant cependant plus adroit que son compagnon, lui demanda :
- Veux-tu, compagnon, veux-tu jouer, de ces deux beaux petits dés, pour vingt beaux petits francs, à qui fera le moins d’un seul coup ?
L’autre dit oui.
- Mettons au jeu, fit le premier. Voilà mes dix francs.
- Voici les dix miens.
- Qui jettera le premier ?
- Toi, qui m’as défié.
- Je veux bien.
Il jeta les dés sur table, fit double-as et s’écria :
- J’ai gagné ! Tu ne pourrais jamais faire moins.
- Tout beau, compagnon. Tu m’as provoqué. Je veux jouer pour mon argent, répondit l’autre.
Et prenant le cornet, il vous le renversa si brusquement, que l’un des dés se mit sur le second, découvrant seulement un as par le haut.
- Eh ! dit-il, en prenant les vingt francs, tu es battu.
Voyez à qui l’on se fiera !
Je me donne au diantre si les plus méchantes gens du monde ne sont pas toujours là où l’on est.
Content de peu gagne le jeu.