Le Jeu des petites gens en 64 contes sots par Louis Delattre : Le sanglier
Jean Mattet, chacun a su l’histoire, rôdant un jour, dans le bois, son bâton à la main, vit venir à lui deux cochons sangliers, un vieux et un jeune.
Or, comme on l’apprit ensuite, le vieux était aveugle.
Par cet instinct de nature qui ordonne à la jeunesse d’aider à la vieillesse, le jeune lui présentait sa queue que le vieux tenait entre ses dents.
Comme un homme, à la laisse de son chien, se laisse guider sans péril, ainsi l’infirme suivait son gentil compagnon.
Cependant, Jean Mattet, revenu de son premier émerveillement, donna à la bête, au passage, un coup de son épieu, pensant le percer au travers du corps.
Mais il lui trancha seulement la queue, rasibus, sans lui faire d’autre mal, si bien qu’elle s’enfuit.
L’homme alors s’approcha doucement du solitaire qui s’était arrêté en grognant, prit en main le bout de queue qui lui pendait à la gueule ; et, petit à petit, le mena sans sonner mot jusque dans son étable, où le vieux le suivit pensant être toujours mené par son guide ordinaire.
Quand il y fut, comme il avait les défenses recourbées en dedans et, du fait, n’était plus dangereux, Jean le fit couper pour qu’il ne sentit plus si âprement le sauvage.
Mais la bête, sous le couteau, commença à crier si horriblement, que tous les sangliers de la forêt s’assemblèrent au bruit et accoururent jusque sous le toit pour secourir leur grand’père. On n’eut que la peine de les enfermer.
Je n’entendis de ma vie si bien grogner.
L’enfant est très recommandable qui secourt son père honorable.