Le Jeu des petites gens en 64 contes sots par Louis Delattre : Le rat
La servante ayant, l’autre jour, tendu la souricière pour un rat qui l’empêchait de dormir, écoutait s’il mordait à la couenne de l’appât.
Elle entendit tout à coup le piège se détendre, et y courut joyeusement, en deux temps, trois mouvements.
Mais en la voyant approcher, le rat qui n’était pris que par la queue s’enfuit, la trappe au derrière.
La servante en criant se mit à sa poursuite ; les gens de la maison et les voisins accoururent au bruit ; et tous ensemble de jeter au fuyard, balais, bâtons, pincettes et tisons ; de renverser tables et chaises ; et de commencer un hourvari de sifflets, huées, bruits de poêles et de chaudrons, à briser les vitres.
La bête, tout en traînant la ratière, réussit pourtant à grimper aux poutres. Par un trou du mur, elle gagnait la gouttière.
Le pied gauche de devant lui manqua ; elle tomba à terre et un jeune garçon lui mit la semelle dessus.
Mais il ne fit que couper, dans les dents du cep, la queue du rat, qui, tout courtaud, continua sa course à travers la cour.
Il allait toucher à l’égout : un vieux coq l’arrêta, et d’un coup, l’avala sans cérémonie.
Or quoi ? Trouvant devant lui le chemin libre jusqu’au croupion, le rat ne fit que passer.
Les gens de rire, les gens de se remettre à courir.
Tout étourdi et refrogné de l’algarade, le rat pensait se sauver encore, quand il se jeta dans les griffes d’un maître chat qui était là en embuscade et qui, vous le pinçant par le dos, fut, en grondant, en faire ses choux gras dans un coin.
Le trou et l’occasion invitent le larron.