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Le Jeu des petites gens en 64 contes sots par Louis Delattre : Le chapelet

Une jeune femme toute friquette, parée et ornée, allant un matin à la messe, rencontra, sur son chemin, un charretier qui menait cinq chevaux attelés à un grand chariot chargé de paille.

Mais comme elle passait devant, voilà que la voiture commença de reculer, entraînant de force les chevaux ; et les fétus de voler des gerbes en si grande abondance que la dame en fut couverte en un instant.

Et plus elle allait, plus vers elle le chariot reculait.

Quand elle s’arrêtait, il s’arrêtait aussi, au grand étonnement du pauvre diable de charretier qui ne pouvait comprendre que son attelage fût empêtré en un si beau chemin, et ses chevaux traînés par derrière tout en faisant feu des quatre pieds.

Et l’homme de crier :  - Et hue, et dia !  et de cracher, et de jurer.

Or, un passant aperçoit la voiture renversée et la petite dame ébaubie au milieu de tout ce beau ménage.

Il s’arrête, marche sur elle, lui desserre la main et lui découvre un beau grand chapelet à grains de l’ambre jaune le plus fin.

Or vous savez que la pierre d’ambre ou succin attire la paille. Le gros patenôtre avait retenu l’attelage, fixé les chevaux et jeté bas les gerbes ! Tout cela !...

Il fallut que la jeune dame, avec complaisance, cachât son chapelet dans la fente de son corsage, entrât dans la maison la plus proche et s’y laissât enfermer.

Alors le charretier releva son chariot, rassembla ses bêtes, et joyeusement poursuivit sa route en faisant claquer son fouet.

La beauté avec l’ornement mettent le coeur en grand tourment.