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Le Jeu des petites gens en 64 contes sots par Louis Delattre : La poissonnière

Quoi que l’on fasse, on n’évite pas sa destinée.

Une pauvre poissonnière, l’hiver dernier, vendait son poisson à la porte du marché, par un matin de si grand froid et terrible bise, qu’elle en eut, sans le sentir, son pauvre nez gelé.

Si bien que, pensant se moucher, elle se l’arracha tout net du visage et le jeta à terre avec la roupie qui pendait au bout.

Un canard qui se trouvait là on ne sait comment, en barbottant l’aperçut, le saisit et l’avala tout de go.

Cela ne doit pas vous faire rire.

Car en arrivant à sa maison, ce fut pitié de voir ses enfants qui ne la reconnaissaient pas s’enfuir loin d’elle, pleurant et criant de peur, comme de jeunes chiens qui ont touché les braises.

Enfin, peu à peu, leur père les rassura en jurant que c’était leur mère sans nez.

Et les petits enfants, s’enhardissant à la regarder, ne pouvaient se retenir tantôt de rire et tantôt de pleurer.

La difformité du visage n’abat l’honneur du personnage.