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Le Jeu des petites gens en 64 contes sots par Louis Delattre :L'orfèvre

Un jeune orfèvre, vous l’avez, sans doute, entendu dire déjà, avait pour son chef-d’oeuvre, l’an passé, tissé la plus fine chaîne d’or qui se fût jamais vue, et d’un travail si menu, si délié, si subtil, qu’il transportait d’admiration les ouvriers les plus adroits de la ville.

Ensuite, l’artiste avait imaginé d’attacher par la caisse, à sa chaîne d’or, une gentille et mignonne puce, qui par ses sauts, ses tours, ses minauderies, divertissait les spectateurs aussi plaisamment que le fît jamais le plus agile singe de bateleur.

Mais il vient de ces jours-ci, de se surpasser lui-même.

Il a fabriqué une boîte d’argent grande tout au plus comme un grain d’orge, dont les parois, cependant, portent, gravée au burin, l’histoire entière de la Guerre de Troie, et où il peut enfermer à clef la jolie puce enchaînée.

Cela est merveilleux. Les plus riches bijoutiers de la cité l’ont achetée en se cotisant et n’ont pas jugé indigne d’eux d’en faire présent à la jeune princesse.

Celle-ci l’a reçue fort agréablement. Elle garde avec grand soin ce cadeau aussi rare que précieux.

Plusieurs fois le jour, et même la nuit aussi, elle ouvre la menue boîte.

Aussitôt la puce bondit avec sa chaîne sur la blanche et délicate main que lui tend sa maîtresse.

Rassasiée d’un quart de goutte de sang, elle se rejette ensuite dans sa cassette dont la dame ferme à clef le couvercle.

Enfin, c’est plaisir à voir.

Qui n’a qu’un oeil souvent le torche,
Qui n’a qu’un fils le fait fou,
Qui n’a qu’un pourceau le fait gras,
Qui n’a qu’une fille en fait merveille.