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Le Jeu des petites gens en 64 contes sots par Louis Delattre : L’essaim

Comme on échardonnait les blés, Léonard Bury travaillant aux siens, dans les champs de Heurtebise, allait tirer un beau grand chardon, quand il vit, tapi dessous, en son gîte, un joli lapin qu’il cueillit par les oreilles aussi facilement qu’une salade.

Et notre homme tout réjoui, de s’en retourner au logis, conter son aventure à ses voisins à l’heure du dîner, son lapin d’une main, et de l’autre tenant sur son épaule, au bout de ses tenailles de bois, le chardon touffu, grand, beau, large et bien fleuri.

Or, en chemin, voici un essaim de mouches à miel venir à lui, en bourdonnant avec un bruit de trompette, luisant au soleil comme une roue d’or, et qui après avoir bien tournoyé autour de Léonard et son chardon, enfin s’y abat en une belle grappe serrée.

Qui fut ébahi ? Notre laboureur.

Mais sans rien dire, comme un homme d’esprit, il emporta doucement l’essaim au bout de sa pince de bois. Bien joyeusement, tout doux, il alla le secouer au rucher de son jardin dans une corbeille frottée de piment où il le laissa profiter.

Dix-neuf ou vingt jours après, il pouvait déjà assaimer quatre essaims qui, l’année même encore, environ la mi-juillet, en jetèrent chacun deux aussi.

L’année d’après, chaque ruche en fit quatre. De façon qu’à la Saint-Michel qui tombe fin septembre, le compère Léonard en vendit pour plus de cent onze francs, trois sous.

On dit bien vrai : - Un essaim de mai vaut une vache à lait.

Il fait de l’argent, et qui a de l’argent, il a des coquilles, mes filles...

De paresse vient indigence ; de labeur, biens en abondance.