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Le Jeu des petites gens en 64 contes sots par Louis Delattre : L’astronomie

Un  batteur en grange de mes amis me contait qu’il tenait de sa mère grand, qui le savait de sa tante, qui elle-même l’avait vu, qu’en notre village, il y eut jadis le plus habile faiseur d’almanachs qui fut jamais.

 Ce savant homme avait coutume de venir, coiffé de son chapeau pointu, observer les étoiles, les planètes et la lune, assis sur une grosse pierre au haut de la montée du « Tienne d’Amont ».

C’est de là qu’il avait pris toutes ses mesures, calculé toutes ses dimensions, et couché sur le papier, en chiffres sans fin, la distance du soleil à la terre.

Un de nos paysans voulut, un jour, par malice, éprouver le savoir de notre astronome.

Ayant levé la pierre qui lui servait d’observatoire, il avait glissé dessous une feuille de papier et replacé le tout sans que rien n’y parût.

Caché derrière un arbre proche, il avait ensuite attendu l’arrivée du faiseur d’almanachs.

Celui-ci vint, s’assit sur son siège ordinaire et, considérant le soleil en plein ciel, s’écria :

-  Qu’est ceci ? Il faut que la terre soit haussée ou que le soleil ait baissé ! Je ne retrouve pas mes mesures.

A la vue de cet homme qui savait si juste la distance de la terre au soleil, que l’épaisseur d’une feuille de papier de différence lui avait sauté aux yeux, le paysan dans sa cachette s’était mis à trembler.

Il jura toute sa vie que, fût-ce pour un pot de bière triple, il n’aurait voulu ensuite faire la nique à si savant compère.

Vouloir se moquer d’un savant est le vrai fait d’un ignorant.